Juste un petit rappel avant de répondre à votre question : comme suggéré dans les réponses précédentes, le cycle menstruel est régulé par des interactions complexes entre l'axe hypothalamo-hypophyso-ovarien (HPO) et l'utérus. L'hypothalamus sécrète l'hormone de libération de la gonadotrophine ( GnRH ), qui stimule la libération de l'hormone folliculo-stimulante ( FSH ) et de l'hormone lutéinisante ( LH ) par l'hypophyse. Ces hormones appelées gonadotrophines (LH et FSH) stimulent l'ovaire à libérer un ovocyte capable de féconder s'il rencontre un spermatozoïde. Dans le même temps, des hormones sont sécrétées par l'ovaire en réponse à la FSH ou à la LH. Ces hormones influencent l'endomètre (= la couche interne de l'utérus)
Le type d'hormones libérées pendant le cycle menstruel et leur concentration divisent un cycle menstruel en trois phases (voir figure ci-dessous) :
- la phase folliculaire ou proliférative (D4-D14 du cycle) : elle est caractérisée par le recrutement d'une cohorte de follicules et la sélection finale d'un follicule préovulatoire “dominant”. De plus, cette phase montre des niveaux croissants d'oestradiol qui stimulent la prolifération de l'endomètre. Cette prolifération prend du temps (environ 10 jours) car les cellules composant l'endomètre se répliquent intensivement (mitose) afin d'augmenter l'épaisseur de l'endomètre (rappelons que l'endomètre doit être “préparé” pour une éventuelle implantation d'un blastocyte (= premier stade d'un embryon)). La figure ci-dessous montre la modification de la structure de l'endomètre.
- la phase lutéale ou sécrétoire (D14-D28): la production de progestérone entraîne une différenciation de l'endomètre qui atteint sa pleine maturité. Là encore, il faut du temps pour atteindre le niveau de complexité que l'on trouve dans l'endomètre de la phase lutéale : les glandes et les artères de l'endomètre commencent à s'entrelacer, le tissu conjonctif présente des modifications œdémateuses. Tout est prêt pour aider le blastocyste à se développer dans le cas d'une implantation
- la phase de menstruation (D1-D4): lorsque l'implantation n'a pas lieu, les quantités d'oestradiol et de progestérone chutent de manière significative, entraînant une constriction des artères situées dans l'endomètre. Cela entraîne l'expulsion de la “couche fonctionnelle” de l'endomètre.
Votre question
Comment mon corps évalue-t-il ce temps ? Y a-t-il un facteur externe (cycles de veille/sommeil, etc.) ou une sorte de minuterie interne ?
Par conséquent la durée du cycle menstruel est définie par le temps nécessaire pour que tous ces changements se produisent : la prolifération des cellules de l'endomètre, le développement des artères et la différenciation des glandes dans l'endomètre etc… Un exemple similaire serait le temps nécessaire à la guérison des plaies par exemple (où la phase proliférative est caractérisée par la migration des fibroblastes, la synthèse du collagène, l'angiogenèse, la migration de nouvelles cellules) ou la récupération du tissu pulmonaire après une pneumonie.
La raison pour laquelle la durée du cycle est différente d'une femme à l'autre dépend, comme vous l'avez déjà suggéré, de facteurs internes (la concentration d'hormones, la présence d'une maladie chronique concomitante par exemple) et de facteurs externes (stress, drogues,…)
Le corps mesure le temps nécessaire au cycle, c'est-à-dire le temps nécessaire pour que tous les changements endométriaux se produisent (chez une femme : environ 28-32 jours) grâce à une rétroaction complexe des hormones produites dans l'ovaire/endomètre qui “signalent” à l'hypothalamus et à l'hypophyse si un changement dans la sécrétion de LH/FSH doit se produire ou non. Cet axe hypothalamus-pituitaire-ovarien (HPO) est le “métronome” du cycle menstruel (voir la figure ci-dessous pour un aperçu de l'axe HPO)
Plusieurs études ont étudié l'effet des phases du cycle menstruel sur le sommeil et ont rapporté que le cycle menstruel modifie l'organisation du sommeil à différentes phases menstruelles. En outre, la perturbation des rythmes circadiens est associée à des perturbations de la fonction menstruelle. Par exemple, les femmes qui travaillent en équipe par rapport à celles qui ne travaillent pas en équipe sont plus susceptibles de signaler des irrégularités menstruelles et des cycles menstruels plus longs. Ceci est probablement dû à un changement de l'hormone circulante, renforçant le rôle du “métronome” de l'HPO dans la régulation temporelle du cycle menstruel.
Sources :
- Longo DL, Fauci AS, Kasper DL, Hauser SL, Jameson J, Loscalzo J. eds. Harrison’s Principles of Internal Medicine, 18e. New York, NY : McGraw-Hill ; 2012. p 3028-3033
- Shechter A, Boivin DB. Sleep, Hormones, and Circadian Rhythms throughout the Menstrual Cycle in Healthy Women and Women with Premenstrual Dysphoric Disorder. Journal international d'endocrinologie. 2010;2010:259345
- Baker FC, Driver HS. Les rythmes circadiens, le sommeil et le cycle menstruel. Sleep Med. 2007 Sep;8(6):613-22. Epub 2007 Mar 26.
- www.meducation.net pour la figure 2